CA Aix-en-Provence, 20 décembre 2018, n°16/23275
Les juges du fond considèrent que dès lors que le franchisé est informé, préalablement à la signature du contrat, de la problématique juridique entourant l’exercice de l’activité qu’il s’apprête à exercer sous l’enseigne du franchiseur et a disposé des informations nécessaires lui permettant de se renseigner lui-même et d’affiner les informations reçues, celui-ci n’est pas fondé à invoquer la nullité du contrat de franchise sur ses motifs.
En juin 2014, Madame B. s’intéresse à un concept de dépilation définitive utilisant notamment la technique de la lumière pulsée avec pour objectif d’ouvrir un institut esthétique. Madame B. reçoit un Document d’Information Précontractuelle (DIP) le 13 novembre 2014 et signe un contrat de franchise le 4 décembre 2014. Madame B. démarche ensuite les établissements bancaires en vue d’obtenir un financement mais s’expose systématiquement à des refus.
C’est dans ce contexte que Madame B. assigne le franchiseur en sollicitant la nullité du contrat de franchise pour objet illicite et manœuvres dolosives.
En première instance, Madame B. est déboutée de ses demandes ; elle interjette donc appel devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Concernant l’illicéité de l’objet, Madame B. soulève le fait que plusieurs décisions de justice ont considéré que l’activité de dépilation à la lumière pulsée pratiquée par une esthéticienne était illégale et qu’en l’espèce le franchiseur ne démontrait pas que son concept n’était pas contraire à la réglementation. La franchisée considère ainsi que si les banques ont refusé de lui accorder un financement cela s’explique par la problématique juridique entourant l’activité basée sur la lumière pulsée.
Concernant les manœuvres dolosives, Madame B. reproche au franchiseur, d’une part, de ne pas lui avoir indiqué que l’activité de dépilation à la lumière pulsée relevait du monopole des docteurs en médecine et, d’autre part, que la rentabilité du concept telle qu’exposée dans le DIP était éloignée de la réalité.
La Cour d’appel confirme le jugement de première instance.
Les juges du fond relèvent tout d’abord que le caractère illicite de l’activité du contrat n’est pas établi. S’agissant du procédé de la lumière pulsée utilisé pour le photo-rajeunissement, le caractère licite n’était pas contesté et, pour l’utilisation dans le cadre de la dépilation, la Cour relève qu’aucun texte ne l’interdit, que de très nombreux centres sont ouverts et utilisent un tel procédé, et que des appareils d’épilation à lumière pulsée sont en vente en libre-service auprès du public.
Les juges du fond considèrent ensuite que le DIP remis à Madame B. contenait des informations sur la présentation du franchiseur, du réseau, du marché, et mentionnait les aléas pesant sur l’activité et le débat qui s’en suivait. Ils relèvent ensuite que, si la rentabilité du concept était présentée de manière optimiste, il s’agissait de la moyenne des chiffres d’affaires des centres membres du réseau. La Cour souligne les diplômes et l’expérience professionnelle de Madame B., et le fait que cette dernière avait disposé d’un délai suffisant pour affiner les informations transmises par le franchiseur.
Cette décision fait notamment suite à la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 7 septembre 2018 (RG n°17/06933), laquelle a retenu que « seuls les médecins peuvent pratiquer sur autrui toute épilation, sauf si celle-ci est pratiquée à la pince ou à la cire. Dès lors, il importe peu que l’épilation pratiquée par Madame C. et la société A. se fasse à la lumière pulsée et non au laser ». La Cour a ainsi fait interdiction aux franchisés de recourir au procédé de la lumière pulsée, tout en relevant cependant que cette situation n’était pas imputable au franchiseur dans la mesure où les franchisés avaient eu connaissance de la problématique juridique entourant la licéité de l’activité dès la conclusion du contrat de franchise, mais qu’ils avaient sciemment fait le choix de contracter et de poursuivre leur activité durant plusieurs années.
Si la décision rendue par la Cour d’appel de Paris semble plus sévère que la décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en ce que la première interdit le recours au procédé de la lumière pulsée, il convient toutefois de relever que, dans les deux espèces, les juges du fond ont mis en avant le devoir de se renseigner pesant sur le franchisé. Ainsi, dès lors que le franchiseur remplit son devoir d’information précontractuelle et informe le franchisé, préalablement à la conclusion du contrat, notamment sur la problématique juridique entourant l’activité qu’il s’apprête à exercer sous l’enseigne, sur l’état du réseau, et sur les chiffres réalisés au sein du réseau, il appartient ensuite au franchisé, à partir des informations transmises par le franchiseur, de s’informer lui-même. Le franchiseur ne pourra pas être tenu pour responsable d’un choix fait en connaissance de cause par le franchisé ou encore d’un manque de diligences de ce dernier.
A rapprocher : CA Paris, 7 septembre 2018, RG n°17/06933