CA Amiens, 21 février 2019, n°16/05156
Faute d’établir que la caution se serait trouvée dans l’impossibilité physique d’écrire la mention manuscrite requise, l’acte de cautionnement portant une mention manuscrite écrite par un tiers est nul.
Cet arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens fait suite à une décision de cassation (Cass. civ. 1ère, 26 novembre 2014, n°13-21.295) ayant renvoyé la cause et les parties devant ladite cour d’appel.
Dans cette affaire, une Société avait souscrit auprès d’une Compagnie trois contrats de location avec option d’achat portant sur des véhicules automobiles, dans le cadre desquels le dirigeant de la Société (M. M) s’était porté caution solidaire des engagements de cette dernière.
Suite à différents impayés, la Compagnie a assigné la Société ainsi que M. M aux fins de paiement d’échéances de loyers impayées et de restitution d’un des trois véhicules.
Le jugement de première instance a fait droit aux demandes de la Compagnie, provoquant l’appel formé par la Société et sa caution.
La cour d’appel de Douai a confirmé le jugement de première instance, sauf en ce qu’il a condamné la caution à la restitution du véhicule.
M. M a formé un pourvoi et la Cour de cassation a, par sa décision du 26 novembre 2014, cassé la décision de la cour d’appel en ce qu’elle a condamné la caution à payer les sommes réclamées par la Compagnie au titre de son engagement de caution solidaire, alors qu’il incombait au juge, selon la Haute cour, de procéder à la vérification d’écriture des actes contestés.
Devant la cour d’appel d’Amiens, M. M a soulevé la nullité des cautionnements, faisant valoir que les mentions manuscrites imposées par les articles L.341-2 et L.341-3 ancien du Code de la consommation avaient été rédigées par le vendeur des véhicules et non par lui-même. A l’inverse, la Compagnie a soutenu, à titre principal, que la caution n’apportait pas la preuve qu’il n’était pas l’auteur de la mention manuscrite litigieuse et indiquait que ce dernier aurait reconnu qu’il s’était engagé en qualité de caution ; et à titre subsidiaire, que la caution était présente lors de la rédaction de ces actes à trois reprises, ce qui caractérise son plein accord ; que le concessionnaire était donc son mandataire en conséquence de quoi la caution était engagée par la mention portée par lui pour son compte.
Après avoir constaté que la caution n’était à l’évidence pas l’auteur de la mention manuscrite de l’engagement de caution figurant sur les trois actes litigieux, les juges du fond avaient rappelé, en premier lieu, le principe selon lequel « le cautionnement portant mention manuscrite écrite par un tiers est en principe nul », puis nuancé leur position en considérant ensuite qu’un tel cautionnement pouvait cependant être validé dans les cas où la caution se trouvait dans l’impossibilité d’écrire si le tiers prêtant sa main pouvait être considéré comme ayant reçu mandat de la caution, la rédaction ayant lieu à la demande et en la présence de cette dernière qui a apposé sa signature.
Or, en l’espèce, les juges considèrent « qu’il n’est établi ni même allégué que M. M se trouvait dans l’impossibilité physique de rédiger lui-même la mention manuscrite requise » de sorte que le vendeur de véhicules ne peut être considéré comme mandataire de l’intéressé. En conséquence, la cour d’appel prononce la nullité des trois actes de cautionnement litigieux et déboute la Compagnie de sa demande en paiement.
En indiquant qu’un tiers puisse écrire la mention manuscrite lorsque la caution se trouve dans l’impossibilité d’écrire, la cour d’appel semble adopter la position de la chambre commerciale.
En effet, alors que dans un arrêt de principe rendu par la 1ère chambre civile (Cass. civ. 1ère, 9 juillet 2015, n°14-21.763), la Cour de cassation avait considéré qu’un cautionnement souscrit par une caution illettrée ne pouvait, pour être valable, qu’être rédigé par acte authentique, la chambre commerciale est venue assouplir cette position dans un arrêt récent (Cass. com., 20 septembre 2017, n°12-18.364), en considérant qu’une mention manuscrite rédigée par une secrétaire pouvait être valide dès lors qu’il était démontré que la caution, sachant mal écrire, avait prié sa secrétaire de l’accompagner lors de la souscription du cautionnement, qu’il avait signé après qu’elle eut inscrit la mention manuscrite, ces circonstances établissant que « la conscience et l’information de la caution sur son engagement étaient autant assurées que si elle avait été capable d’apposer cette mention de sa main, dès lors qu’il avait été procédé à sa rédaction à sa demande et en sa présence » et que l’on pouvait donc en déduire l’existence d’un mandat régulièrement donné par la caution à sa secrétaire, en validant ainsi le cautionnement.
A rapprocher : Cass. com., 20 septembre 2017, n°12-18.364 ; Cf. également l’article Validité du cautionnement donné par un dirigeant personne physique