Cass. com., 29 mai 2019, n°18-12.160
Si le contrat de franchise prévoit une clause pénale en cas de résiliation « aux torts du franchisé » (sans plus de précisions), alors la résiliation du contrat par le franchisé qui se fonde sur le congé délivré par son bailleur n’entraîne pas l’application de la clause pénale. C’est dire que les conditions de mise en œuvre de la clause pénale sont d’interprétation stricte et que la rédaction des clauses pénales doit être minutieuse.
Une société exploitant un hôtel a conclu un contrat de franchise avec une enseigne notoirement connue, ce pour une durée déterminée de 5 ans. Malheureusement, avant le terme de ces 5 années, le bailleur de l’hôtel a délivré congé à son locataire (le franchisé) sans renouvellement mais avec offre d’indemnité d’éviction. Le franchisé a informé le franchiseur de cette résiliation du bail qui l’empêchait donc de poursuivre l’exploitation du contrat de franchise. En réponse, le franchiseur a pris acte de cette résiliation du contrat de franchise et a demandé à son franchisé le paiement de l’indemnité contractuelle prévue en cas de résiliation du contrat de franchise « aux torts du franchisé ».
Les juges du fond (en 1ère instance et appel) ont considéré que la clause pénale trouvait à s’appliquer dès lors que le franchisé avait interrompu le contrat avant son terme sans mettre en évidence une faute du franchiseur, résiliation anticipée qui constituait selon les juges une faute du franchisé.
La Cour de cassation a refusé cette application large de la clause pénale du contrat de franchise : la cour d’appel ne pouvait condamner le franchisé à régler l’indemnité contractuelle prévue dans le seul cas d’une résiliation « aux torts du franchisé » alors qu’elle avait relevé dans le même temps que le franchisé avait été contraint de résilier en raison du congé délivré par son bailleur. En effet, le franchisé n’avait aucun « tort » dans la résiliation du contrat de franchise et ne faisait que subir le congé délivré par son bailleur (qui lui-même n’avait aucune faute à reprocher au franchisé).
Lorsque le champ d’application de la clause est réduit, le juge va vérifier qu’il s’agit bien de l’hypothèse sanctionnée. Dès lors, si la clause pénale prévoit une indemnisation du franchiseur uniquement dans l’hypothèse où le contrat de franchise serait rompu unilatéralement par le franchisé, elle ne s’étendra pas aux autres hypothèses telles que comme en l’espèce, la résiliation judiciaire, serait-elle prononcée aux torts du franchisé (CA Paris, 2 juillet 2014, n°11/19239).
On doit bien évidemment en conclure que le rédacteur d’un contrat de franchise (ou de distribution de façon plus générale) doit apporter une attention particulière à la délimitation de ses clauses pénales. Cependant, même à respecter cette précaution, si la clause pénale avait précisé s’appliquer en cas de perte du droit au bail sans évoquer le terme « tort » ou « faute » du franchisé, serait-elle pour autant applicable ? Autrement dit, la clause pénale prévue dans un cas où le franchisé n’a commis aucune faute mais qui ne constitue pas pour autant un cas de force majeur (résiliation par le bailleur qui n’a rien à reprocher à son locataire, dissolution de la société franchisée pour décès du dirigeant, etc.) ne serait-elle pas valable ou disproportionnée de fait ?
A rapprocher : Nouvel article 1231-5 du Code civil