CA Versailles, 12ème chambre, 18 mars 2010, n°09/02750
Compte tenu du caractère intuitu personae du contrat de franchise en cause, l’accord du co-contractant est nécessaire en vue de la transmission du contrat de franchise par l’effet d’un apport partiel d’actifs. Les mesures de publicité de l’opération, requise dans un but d’information et d’opposabilité aux tiers, ne peuvent alors suppléer l’accord du cocontractant.
L’arrêt commenté, rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 2ème, 5 mars 2009, n°08-10.008), concerne la question fondamentale du caractère intuitu personae du contrat de franchise.
En l’espèce, la société MD a conclu un contrat de franchise, comprenant une clause d’approvisionnement, avec la société Comptoirs modernes économiques de Normandie, aux droits de laquelle sont venues successivement la société CMSNO, puis les sociétés Prodim et CSF, par apport partiel d’actifs. La société MD ayant dénoncé le contrat de franchise qui la liait à la société CSF, cette dernière a recherché la responsabilité de la société Ets Segurel & fils, lui reprochant d’avoir approvisionné la société MD.
Pour ce qui concerne la question précise de la transmission du contrat de franchise par voie d’apport partiel d’actifs sous le régime des scissions, la décision commentée adopte le raisonnement suivant.
Primo, la société Segurel – tiers au contrat de franchise en cause – est recevable, sur le fondement de l’article 1165 du Code civil, à se prévaloir de l’absence de transmission de ce contrat, constituant pour elle un fait juridique.
Secundo, aux termes de l’article L.236-3 I du Code de commerce, la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l’opération (…) ; et, sauf dérogation expresse prévue par les parties, la transmission universelle porte sur tous les droits, biens et obligations dépendant de la branche d’activité qui fait l’objet de l’apport.
Cependant, ce texte ne mentionne pas expressément l’ensemble du patrimoine de la société dissoute ; et, par application de l’article 1134 du Code civil, « la transmission des contrats intuitu personae nécessite l’accord du co-contractant, que les mesures de publicité de l’opération, dans un but d’information et d’opposabilité aux tiers, ne peuvent suppléer ».
Tertio, ce moyen ressort de la compétence de la cour, dont la décision est susceptible de recours juridictionnel de droit interne et l’application de la directive communautaire du 17 décembre 1982 ne justifie pas une question préjudicielle dans le cadre de l’article 234 du traité de l’Union Européenne.
Quarto, le contrat de franchise considéré est conclu par le Franchiseur en considération de la personne du Franchisé (…), aux termes de son article 2 ; que ces éléments intrinsèques confirment le caractère intuitu personae bilatéral de cette convention, conclue en fonction des personnes du franchiseur et du franchisé.
Quinto, la société CSF ne justifie pas de l’accord donné par la société MD à la transmission de son contrat de franchise par la société CMSNO à la société CSF ; bien au contraire, par courriers des 30 août 2001 et 26 octobre 2001, la société MD a clairement manifesté son refus de poursuivre ses relations commerciales avec les sociétés Prodim et CSF.
Il résulte donc de ces éléments que, faute d’accord du franchisé, le contrat de franchise liant les sociétés MD et CMSNO n’a pas été transmis par apport d’actif sous le régime de scission à la société CSF.
A rapprocher : Cass. com., 3 juin 2008, n°06-13.761, Bull. IV, n°110 et, sur renvoi après cassation : Cass. com. 12 octobre 2010, n°09-70.116 ; v. aussi, Cass. com., 24 novembre 2009, n°08-16.428 ; CA Versailles, 12ème chambre, 18 mars 2010, n°09/02750