Le sort de la caution dans les opérations de fusion

Tour d’horizon

Dans plusieurs arrêts rendus au cours de l’année écoulée, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé certaines solutions concernant le sort de la caution dans le cadre des opérations de fusion.

On le sait, si, conformément à l’article 2292 du code civil, l’absorption du créancier met en principe fin à l’obligation de couverture de la caution (selon ce texte : « Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté »), celle-ci demeure cependant tenue à raison des dettes nées antérieurement à la fusion, ce qui est le cas du prêt souscrit avant celle-ci, la dette naissant de la remise des fonds (Cass. com., 22 février 2017, n°14-26.704).

En cas d’absorption de la société créancière, la caution demeure, au titre de l’obligation de règlement, tenue de garantir les dettes nées antérieurement à la fusion, peu important qu’elles ne soient pas exigibles à cette date, et qu’il en est ainsi de la créance relative aux intérêts, pénalités et frais afférents à un prêt, qui prennent naissance le jour où ce prêt a été contracté. Ainsi, intérêts, pénalités et frais afférents au prêt peuvent dès lors être demandés à la caution par la société absorbante, ces créances prenant naissance au jour où ce prêt a été contracté (Cass. com., 20 avril 2017, n°15-19.851).

Une solution similaire peut être retenue en cas de transmission à titre universel concernant la personne du débiteur : ainsi, l’obligation de la caution qui s’est engagée à garantir ses dettes n’est maintenue pour la garantie des dettes de la société absorbante nées postérieurement à la fusion que dans le cas d’une manifestation expresse de volonté de cette caution d’étendre sa garantie à de telles dettes (Cass. com., 17 mai 2017, n°15-15.745 : « Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une manifestation expresse de volonté de M. X… de s’engager, envers la banque, à garantir les dettes, dont elle constatait qu’elles étaient nées postérieurement à la fusion-absorption du débiteur principal, la cour d’appel a privé sa décision de base légale »).

La circonstance que la société absorbante « ne [soit] pas étrangère à l’opération de cautionnement » est sans conséquence : la survivance alléguée de l’intuitus personae à l’opération de transmission à titre universel ne permet pas de maintenir l’engagement initial de la caution auprès de la société absorbante en l’absence de stipulation claire en ce sens, sauf à présumer le cautionnement, à l’encontre de ce que prévoit l’article 2292 du Code civil. La solution est étendue aux sous-cautionnements : en cas d’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions à une autre société par le créancier, l’obligation de la sous-caution, qui s’était engagée envers la caution de ce créancier, n’est maintenue pour la garantie des dettes nées postérieurement à la scission que dans le cas d’une manifestation expresse de volonté de la sous-caution (Cass. com., 8 mars 2017, n°15-14.290). Cette solution est parfaitement logique selon nous.

Toutefois, par une décision de principe, rendu au double visa des articles L.236-3 du Code de commerce et 2321 du Code civil, la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 31 janvier 2017, n°15-19.158 et notre commentaire sous LDR, 14 avril 2017) a affirmé que « sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas l’obligation de garantie, n’est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie ». Par cette décision, la chambre commerciale de la Cour de cassation consacre donc une nouvelle exception au principe de transmission universelle du patrimoine en matière de fusion, scission ou apport partiel d’actifs. La solution de la Cour de cassation résulte de la nature même de la garantie autonome : elle n’est pas accessoire à l’obligation garantie. De ce fait, conformément à l’alinéa 4 de l’article 2321 du Code civil, seule une clause contraire ou l’acceptation du garant dans un acte annexé peut y déroger. De plus, le caractère intuitu personae de la garantie entérine la validité du raisonnement de la Haute juridiction.

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