Interdiction des clauses de primauté des conditions générales d’achat, de remboursement des produits dégradés par les clients et autres clauses usuelles en grande distribution.
C’est un nouveau coup porté à des clauses usuellement insérées dans les contrats conclus par certaines enseignes de grande distribution avec leurs fournisseurs : la Cour d’appel de Paris a rendu le 18 décembre dernier une décision condamnant le groupement d’achats d’une de ces enseignes au paiement d’une amende civile de 500.000 euros et lui faisant interdiction d’utiliser les clauses litigieuses pour l’avenir dans les contrats conclus avec les fournisseurs de l’enseigne.
Dans cette affaire, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) avait procédé à une enquête en 2009 portant sur le contenu des contrats conclus par le groupement d’achats avec différents fournisseurs de l’enseigne. Le groupement d’achats agissait à double titre dans sa relation avec les fournisseurs : d’une part, en qualité de courtier mettant en relation les fournisseurs et les distributeurs (les membres de l’enseigne) et, d’autre part, en qualité de mandataire puisque le groupement concluait chaque année les contrats annuels avec les fournisseurs au nom et pour le compte des adhérents du groupement.
En dehors de la condamnation des clauses litigieuses insérées dans les contrats, sur lesquelles nous reviendrons, la Cour d’appel de Paris statuait sur la recevabilité de l’action du Ministre de l’Economie (lequel était l’initiateur de la procédure). Le groupement soutenait que le défaut d’information des fournisseurs concernés par le Ministre de l’Economie s’agissant de l’action intentée était de nature à invalider ladite action. La Cour d’appel retient que dès lors que le Ministre de l’Economie ne sollicitait pas la nullité des clauses concernées (et donc n’intervenait pas dans le champ contractuel entre le groupement et les fournisseurs), mais limitait sa demande au prononcé d’une amende civile et d’une cessation des pratiques mises en cause, il n’était pas obligatoire pour le Ministre de l’Economie d’informer les fournisseurs. L’action du Ministre de l’Economie a donc été jugée parfaitement recevable.
Ensuite, la Cour d’appel s’est prononcée sur les clauses considérées comme illicites.
L’action intentée par le Ministre de l’Economie étant fondée sur le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties prévu par l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce. La Cour débute son raisonnement en énonçant que la soumission de l’un des deux partenaires prévue par cet article peut se traduire par l’insertion des clauses dans les contrats, dès lors qu’il n’y a pas de pouvoir réel de négociation de la part du fournisseur concerné.
S’ajoutait en l’espèce le fait que le groupement de distributeurs détenait 16,9% des parts de marché, et qu’en conséquence les fournisseurs ne pouvaient pas se permettre de cesser leurs relations avec le groupement, ce dont la Cour déduit qu’ils étaient nécessairement soumis aux exigences du groupement de distributeurs.
S’agissant des clauses condamnées, la Cour d’appel de Paris sanctionne tout d’abord l’éviction des conditions générales de vente du fournisseur par les conditions générales d’achat du groupement, considérée comme contraire aux dispositions de l’article L.441-6 du code de commerce.
La Cour considère ensuite déséquilibrée la clause prévoyant des délais de paiement courts pour les prestations de services du distributeur, dès lors que parallèlement le distributeur dispose de délais de paiement plus longs pour régler les factures des fournisseurs. Elle sanctionne également, d’une part, la clause prévoyant l’absence d’escompte au profit du fournisseur en cas de paiement anticipé, dès lors que le distributeur bénéficie pour sa part d’un tel escompte pour ses règlements et, d’autre part, les pénalités appliquées aux fournisseurs et non réciproques.
Enfin, la Cour sanctionne la clause prévoyant le remboursement des produits dégradés par la clientèle en magasin, plus précisément ceux comportant des offres promotionnelles. La Cour considère en effet que le fournisseur ne peut pas s’engager à une telle obligation de résultat, puisqu’il ne maîtrise pas le risque, et qu’il appartient au seul distributeur de supporter les risques inhérents à la mise en vente du produit dans son magasin.
A rapprocher : Déséquilibre significatif – Panorama de jurisprudence 2016-2017 (116 décisions commentées)