Droit au bail et transmission universelle de patrimoine.
Il résulte des dispositions de l’article 1717 du Code civil que le preneur peut librement céder son droit au bail à un autre si cette faculté ne lui a pas été interdite.
En matière de baux commerciaux, il est d’usage de soumettre la cession au respect de certaines conditions permettant ainsi au bailleur de disposer d’un droit de regard sur l’opération projetée.
Si les clauses prohibant de manière absolue et générale toute cession sont nulles, les clauses limitatives sont quant à elles valables et admises par la jurisprudence. Elles peuvent par exemple restreindre le choix du cessionnaire ou exiger l’intervention du bailleur.
Elles ne trouvent néanmoins à s’appliquer que pour autant que la transmission du droit au bail s’inscrit dans le cadre d’une cession.
A ce titre, l’article L.145-16 du Code de commerce, en son alinéa 2, précise qu’« En cas de fusion de sociétés ou d’apport d’une partie de l’actif d’une société […] la société issue de la fusion ou la société bénéficiaire de l’apport est, nonobstant toute stipulation contraire, substituée à celle au profit de laquelle le bail était consenti dans tous les droits et obligations découlant de ce bail ».
Mise en perspective avec le droit des sociétés, cette disposition se justifie pleinement ; la fusion et l’apport partiel d’actif emportant tous deux transmission universelle d’un patrimoine.
Cependant, cette transmission universelle de patrimoine se distingue, d’un point de vue tant conceptuel que juridique, de la notion de cession, de sorte que toute clause limitative de cession d’un droit au bail ne saurait trouver à s’appliquer dans le cadre d’opération ayant précisément pour effet d’emporter la transmission d’une telle universalité.
Dans la présente espèce, se posait la question de savoir si la dissolution de la société preneuse qui avait entraîné une transmission universelle de patrimoine constituait ou non une cession de bail, soumise à autorisation du bailleur.
Plus précisément, la société preneuse étant devenue unipersonnelle, son associé unique avait, au cours d’une assemblée générale, décidé sa dissolution.
L’article 1844-5, alinéa 3 du Code civil prévoit notamment « En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique, sans qu’il y ait lieu à liquidation ».
Dès lors, l’associé unique qui s’était, en raison de la transmission universelle du patrimoine ainsi opérée, substitué à la société dissoute, entendait bénéficier du droit au bail dont cette dernière disposait.
Le bailleur, qui se retrouvait face à un preneur qu’il n’avait pas agréé, a sollicité la résiliation du bail arguant qu’« en l’absence de toute disposition spéciale contraire applicable en pareille hypothèse et dérogeant au principe de la liberté contractuelle, la dévolution à l’associé unique d’une société dissoute de tous les biens et droits de celle-ci, en ce compris le droit à un bail commercial, emporte cession de ce bail » et était donc soumise à autorisation préalable, expresse et écrite du bailleur.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le bailleur considérant que la dissolution de la société preneuse avait entraîné la transmission universelle de son patrimoine, incluant le droit au bail dont elle était titulaire, à l’associé unique qui s’était substitué à celle-ci dans tous ses biens, droits et obligations, ne constituait pas une cession de bail et que l’autorisation du bailleur prévue à cette fin n’était pas requise.
En dépit de l’existence de divergences doctrinales quant à la définition juridique précise de ce à quoi correspond une transmission universelle du patrimoine, cette solution ne peut être qu’approuvée en ce qu’elle est conforme au texte de la loi et s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence antérieure, laquelle a toujours refusé la qualification de cession à toute opération ayant pour effet d’entraîner la transmission universelle du patrimoine.