L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie sans préavis écrit d’une durée minimale tenant notamment compte de la durée de la relation, ce qui nécessite, pour celui qui se fonde sur ce texte pour engager la responsabilité de son partenaire, d’établir que les conditions d’application du texte sont remplies.
L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce permet de sanctionner toute rupture brutale d’une relation commerciale établie.
En effet, ce texte prévoit qu’engage la responsabilité de son auteur, le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ». Pour pouvoir se prévaloir du non-respect de cette disposition, encore faut-il être en mesure de pouvoir démontrer l’existence d’une relation commerciale établie, rompue de manière brutale, même partiellement, sans respecter un préavis suffisant.
En l’espèce, M. P. exploite son entreprise, ayant pour objet la production de films institutionnels et publicitaires, en son nom propre depuis 1978 puis, à partir de 1996, en société. Depuis 1978, M. P. est en relation avec la CRCAM de la Manche et la CRCAM Normand, lesquelles ont successivement été dissoutes à la suite de fusions intervenues avec la CRCAM de l’Orne et la CRCAM du Calvados – leur patrimoine ayant, du fait de ces opérations, été transmis universellement – pour donner ensuite naissance en 2006 à la CRCAM de Normandie. En tout état de cause, ces Caisses ont continué à faire appel à la société de M. P. pour la réalisation de prestations, consistant pour cette dernière à fournir des montages audiovisuels destinés à être projetés lors des assemblées générales des Caisses locales, mais à partir de 2009, la CRCAM de Normandie a considérablement diminué le volume des commandes passées.
La société de M. P. (représentée par son mandataire judiciaire) a assigné la CRCAM de Normandie pour rupture brutale partielle de relations commerciales établies. Il s’agissait notamment de déterminer depuis quand existait la relation commerciale établie dont la rupture partielle serait intervenue brutalement : depuis 1978 selon l’appelante (la société de M. P.), depuis 2006 selon la CRCAM de Normandie.
Les juges du fond considèrent que les différentes Caisses qui se sont succédées ayant continué à commander dans les mêmes conditions que précédemment, des prestations identiques, à la société de M. P., la relation commerciale établie avec cette dernière s’est poursuivie sans que les changements de forme juridique ne fassent, par eux-mêmes, naître une nouvelle relation commerciale. Dans ces conditions, il y avait donc lieu de considérer que les parties au litige étaient en relation depuis 1978. Le fait que la CRCAM de Normandie ait fortement et brutalement baissé le volume de ses commandes auprès de la société de M. P. devait s’analyser comme une rupture partielle des relations commerciales. Enfin, s’agissant du préavis, les juges ont considéré que le fait pour la CRCAM de Normandie d’avoir indiqué à son partenaire, à plusieurs reprises, ne pas être satisfaite des propositions commerciales de ce dernier ne la dispensait pas de l’obligation lui incombant de faire précéder la rupture partielle de leur relation commerciale établie, d’un préavis écrit tenant compte de la durée de cette relation.