L’absence de régularisation des charges est sanctionnée par la déchéance du droit pour le bailleur au paiement de ces charges.
Les charges locatives, accessoire du loyer principal, comprennent notamment l’entretien des parties communes, les consommations personnelles de chauffage, d’eau mais aussi les réparations locatives… Elles sont en pratique versées sous forme de provision et font l’objet d’une régularisation annuelle selon les dépenses réelles effectivement engagées. C’est à l’occasion de la régularisation des charges que le locataire peut solliciter de son bailleur la consultation des pièces justificatives.
La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, se prononce sur la sanction applicable en cas d’absence de régularisation des charges dans les conditions prévues par le bail et juge que le défaut de régularisation des charges est sanctionné par la déchéance du droit pour le bailleur au paiement de ces charges et emporte le remboursement des provisions versées par le preneur.
En l’espèce, un bailleur a consenti un bail commercial à un preneur portant sur un local à usage de bar-restaurant. Se plaignant de désordres, le preneur a introduit une action afin de voir prononcée la résiliation du bail commercial. Le bailleur a alors sollicité que soit constatée l’acquisition de la clause résolutoire et la condamnation du preneur au paiement de l’arriéré locatif. En première instance, le preneur a été condamné à régler l’arriéré locatif. Dans le cadre de l’appel, il a sollicité le remboursement des provisions sur charges versées chaque trimestre depuis son entrée dans les lieux, les charges n’ayant été ni régularisées, malgré les stipulations du bail, ni justifiées en dépit de ses nombreuses réclamations adressées au bailleur au cours de bail.
Le bail commercial, conclu avant la loi Pinel du 18 juin 2014, était régi, en matière de répartition des charges, par les dispositions du Code civil.
Le bail prévoyait ainsi :
« Le preneur, par appel d’une provision trimestrielle et civile versée par le preneur avec chaque terme, remboursera au prorata des locaux loués un ensemble de charges énoncées et qu’à la clôture de chaque exercice de charges, le montant des provisions versées sera régularisé en fonction de l’arrêté de comptes de charges annuelles »
A la clôture de chaque exercice, le montant des provisions versées devait être régularisé en fonction de l’arrêté de comptes de charges annuelles. Cette régularisation n’avait pas eu lieu en l’espèce.
La Cour d’appel a retenu que le preneur avait sollicité de son bailleur courant 2006 et 2007 qu’il opère une régularisation des charges, et ce, depuis 2001, date de prise d’effet du bail. Le bailleur n’avait répondu que partiellement à cette requête en procédant à une régularisation de charges pour les années 2005 et 2006 mais sans transmettre aucun justificatif à l’appui de sa demande de régularisation de charges. La Cour d’appel a alors jugé, qu’à défaut de transmission de justificatifs concernant le montant des charges réelles, le bailleur devait être condamné à rembourser au preneur le montant des provisions versées.
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond au motif que « l’absence de régularisation des charges dans les conditions prévues au bail commercial rend sans cause les appels trimestriels de provision à valoir sur le paiement de charges ». La Cour de cassation comble ainsi la carence du contrat qui ne prévoyait pas de sanction au défaut de régularisation des charges par le bailleur. Les juges protègent ainsi le preneur contre le bailleur peu diligent qui tarde, voire s’abstient, de procéder à la régularisation de charges, nonobstant les stipulations contractuelles.
La Cour de cassation avait déjà eu à se prononcer sur la sanction applicable au défaut de régularisation des charges. Elle avait jugé qu’en cas de carence du bailleur durant plusieurs années, celui-ci était tenu de rembourser au preneur les provisions de charges versées sous déduction des seules charges dont il pouvait apporter justification (Cass. civ. 3ème, 13 juillet 2005, n°04-10.152).
Le nouvel article L. 145-40-2 du Code de commerce introduit par la loi Pinel du 18 juin 2014 prévoit que les baux commerciaux devront impérativement mentionner un inventaire précis et limitatif des charges, cet inventaire devant donner lieu à un état récapitulatif annuel. Une obligation légale de procéder à la liquidation et à la régularisation de charges est ainsi créée.
Cependant, la loi ne prévoit aucune sanction au défaut de régularisation de charges par le bailleur. La solution dégagée par la Cour de cassation trouvera certainement vocation à s’appliquer pour les litiges à venir sous l’empire de la nouvelle loi.