Le droit de préemption stipulé au profit d’un franchiseur n’est pas entaché d’illicéité dès lors qu’il ne limite pas la possibilité de rachat de tout ou partie du fonds de commerce de la société franchisée par des groupes de distribution concurrents du franchiseur.
Avertissement : le commentaire de cette décision, publié le 16 février 2015, est à mettre en perspective avec la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « Loi Macron »), dont l’article 31, déclaré conforme à la Constitution, introduit deux nouveaux articles (L.341-1 et L.341-2) au code de commerce. Pour un commentaire d’ensemble de ces textes : CLIQUEZ ICI
Le 31 octobre 2003, une société exploitant une activité de boucherie, à laquelle elle a adjoint une activité de boulangerie industrielle et d’épicerie, a conclu un contrat de franchise. Par acte sous seing privé du 13 avril 2006, le franchisé convient avec une autre société de distribution alimentaire, sous réserve de l’agrément du franchiseur, comme l’exige l’article 4.2 du contrat de franchise, d’une cession du fonds à l’exclusion de la branche boucherie-charcuterie traditionnelle et de la fabrication du point chaud. Le 12 juillet 2006, le franchiseur refuse de donner son agrément à cette opération et, se fondant sur diverses violations du contrat de franchise par le franchisé, décide de résilier unilatéralement le contrat de franchise en se prévalant des manquements de la société franchisée. Par acte authentique du 21 juillet 2006, la cession prévue par l’acte sous seing privé du 13 avril 2006 est réalisée entre les deux sociétés moyennant un prix de 230.000 €. Par suite, le franchiseur assigne son ex-franchisé et le cessionnaire au motif que la rupture est intervenue aux torts de la société franchisée dès lors que cette dernière a violé le pacte de préférence prévu au contrat de franchise en cédant une partie de son fonds de commerce à un concurrent, sans lui permettre de faire jouer ses droits de préférence et d’agrément contractuels.
La Cour d’appel, après avoir précisé que le pacte de préférence aurait dû être intitulé droit de préemption dans le contrat de franchise, estime qu’il n’est entaché d’aucune illicéité, avant de conclure que la société franchisée n’a pas violé le pacte. Sur la licéité du droit de préemption, la Cour rappelle qu’il est de jurisprudence constante que le pacte de préférence ou le droit de préemption peut être considéré comme une pratique anticoncurrentielle quand bien même seule la liberté de choisir son contractant est affectée par le pacte et qu’il n’oblige pas les parties à conclure le contrat pour lequel la préférence est donnée, le cédant n’étant pas obligé de céder le fonds et le bénéficiaire n’étant pas obligé de l’acquérir.
En l’espèce, il convient de rechercher si le droit de préemption prévu au contrat, valable pendant toute la durée de la convention et cinq ans après son échéance, a limité la possibilité de rachat de tout ou partie du fonds de commerce de la société franchisée par des groupes de distribution concurrents du franchiseur et a restreint artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché du détail de la distribution à dominante alimentaire.
La Cour considère que le droit de préemption, tel que figurant au contrat de franchise, ne limite pas la possibilité de rachat du fonds de commerce par un groupe de distribution concurrent et ce, avant même l’arrivée à échéance du contrat, dès lors que, d’une part, ledit droit met comme seule condition pour la mise à l’écart du compromis de vente passé entre la société franchisée et le cessionnaire ou tout autre groupe de distribution concurrent, la décision du franchiseur de faire une offre à prix et conditions égales et que, d’autre part, le franchisé ne soit pas placé dans une position captive, c’est-à-dire ait toute latitude pour procéder à une cession totale ou partielle du fonds et, dans ce dernier cas, conserver à son profit les activités qu’il détermine.
La Cour en déduit que le droit de préemption figurant au contrat de franchise n’est entaché d’aucune illicéité.