Cette affaire concernait l’examen de la validité d’une clause d’exclusivité contenue dans un bail au regard du droit de la concurrence.
La jurisprudence s’intéresse régulièrement à la validité des clauses d’exclusivité territoriale contenues dans les contrats de distribution. Plus rares sont les hypothèses dans lesquelles ces clauses sont remises en cause lorsqu’elles sont contenues dans des baux. Tel est pourtant l’objet du différend tranché le 3 juillet dernier par la Cour d’appel de Paris, dans un litige opposant deux centres commerciaux concurrents implantés à Montpellier.
Le second centre commercialouvert dans la ville avait fait face à des difficultés de recrutement de preneurs à bail pour les emplacements disponibles dans le centre, certaines grandes enseignes étant déjà liées avec le premier centre commercial par une clause d’exclusivité contenue dans le bail qu’elles avaient conclu.
Pour la majorité des enseignes de commerce de détail concernées (prêt-à-porter, restauration rapide, cosmétique, etc.), la clause d’exclusivité stipulait que pendant la durée du bail et de ses renouvellements, le preneur s’interdisait, sous peine de résolution de plein droit du bail, d’exploiter ou de s’intéresser directement ou indirectement à l’exercice d’une activité similaire à une distance de moins de 5.000 m pour une activité exercée dans un autre centre commercial, et de moins de 1.000 m pour une activité exercée hors de tout centre commercial. D’autres enseignes étaient soumises à des clauses similaires, réduisant leur capacité à intégrer l’autre centre.
Le nouveau centre commercial a ainsi assigné à la fois le centre commercial le plus ancien et l’une des enseignes de prêt-à-porter, en vue d’obtenir l’annulation de la clause d’exclusivité contenue dans le bail conclu entre les défendeurs, en soutenant que cette clause était contraire à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles prévue à l’article L.420-1 du Code de commerce. Sa demande est pourtant rejetée par la cour d’appel.
A titre préliminaire, la cour d’appel rappelle que les clauses d’exclusivité ne constituent pas per se des ententes anticoncurrentielles, tant qu’elles n’affectent pas la concurrence au-delà des restrictions qui peuvent être nécessaires pour assurer la rentabilité d’une activité.
Elle vérifie donc si les clauses d’exclusivité (et les autres clauses des contrats) instaurent, ou non, en droit ou en pratique, une barrière artificielle à l’entrée sur le marché.
Après avoir défini le marché pertinent comme celui de la location d’emplacements commerciaux (sans distinction entre les emplacements dans les centres commerciaux et les autres) dans un périmètre de 30-35 mn en voiture, et évalué l’effet de forclusion des 107 contrats de bail conclus par le premier centre commercial, la cour d’appel a analysé les effets pratiques de la clause pour en conclure que, malgré l’effet cumulatif des contrats, le marché n’a pas été verrouillé en pratique par les clauses d’exclusivités qui demeurent donc valables.