Interview de François-Luc SIMON - La Semaine Juridique - Entreprise et Affaires
1. Quels sont les caractéristiques et attraits propres aux réseaux multi-enseignes ?
Les réseaux multi-enseignes se caractérisent par la coexistence, au sein d’un même groupe de sociétés, d’une pluralité d’enseignes. Cette pluralité d’enseignes, qui a vocation à profiter aux différents acteurs impliqués – la tête de réseaux et ses distributeurs –, doit s’inscrire dans une stratégie d’ensemble, propre à faire évoluer ces enseignes de manière dynamique et complémentaire, et à réaliser un maillage territorial optimisé.
Ces réseaux tendent à atteindre un plus grand nombre de consommateurs, par la commercialisation d’offres diversifiées : diversité des segments de marché (une enseigne ciblera une catégorie de clients (par ex. homme-femme), différente de celle visée par une enseigne sœur (par ex. enfant), diversité des prix (une enseigne se positionnera par exemple en low-cost, tandis qu’une autre enseigne commercialisera des produits de meilleure qualité, à un prix de revente plus élevé), diversité des gammes (lesquelles seront plus ou moins larges selon l’enseigne considérée), diversité des emplacements des points de vente (qualitativement et/ou géo-graphiquement), diversité des formats des points de vente (le segment de marché et le positionnement prix impactant sur la nature des emplacements), diversité des investissements à réaliser (en particulier lorsque les points de vente sont exploités par des indépendants), diversité des marques (afin de mieux souligner l’ADN propre à chaque enseigne), pour ne citer que les paramètres les plus fréquents en pratique.
2. Dans quelle mesure les réseaux d’indépendants peuvent-ils se développer au sein des réseaux multi-enseignes ?
Aujourd’hui, en France, les réseaux de distribution ont tendance à se concentrer : un nombre grandissant de réseaux de distribution appartiennent en effet à un même groupe de sociétés résolu à développer plusieurs enseignes, soit par la création d’enseignes ex nihilo, soit par la réalisation d’opérations de croissance externe.
Ce phénomène de concentration, que nous connaissons depuis de nombreuses années, tient aux nombreux attraits d’un tel dispositif, tant pour la tête de réseau que pour ses partenaires, distributeurs indépendants. Pour la tête de réseau, il peut en résulter notamment une mutualisation des moyens (notamment au sein de la centrale d’achats ou de référencement), des synergies et économies d’échelle (notamment au plan de la logistique), un ciblage plus large des consommateurs (par la différenciation des gammes de produits ou services propres à chaque enseigne), un maillage territorial plus étendu (facilité par l’application d’outils de géomarketing appropriés), une meilleure réactivité face à la concurrence. Pour les partenaires indépendants, en résultent la possibilité de développer leur activité au sein d’enseignes positionnées sur des segments de marché distincts et complémentaires, une meilleure prévention contre le phénomène de concurrence, un éventail plus large des possibilités de financement selon le concept développé, des synergies vis-à-vis de certains fournisseurs, etc. Ce faisant, les réseaux multi-enseignes offrent une certaine souplesse à leurs partenaires. À noter enfin que les partenaires distributeurs désireux de « basculer » d’une enseigne à une autre se verront parfois remettre un document d’information précontractuelle (DIP) au moins 20 jours avant la conclusion du nouveau contrat (T. com. Toulouse, 8 févr. 1995 : Gaz. Pal. 3 févr. 1996 ; cf. L.-M. Augagneur, Le consentement du franchisé dans la succession de contrats de franchise : JCP G 2005, I, 158).
3. Les contrats de distribution signés avec les réseaux multi-enseignes comportent-ils des particularités ?
Les contrats de distribution signés par des indépendants relevant d’un réseau multi-enseignes comportent effectivement de nombreuses particularités.
Donnons ici quelques illustrations couramment rencontrées en pratique : 1°/ Le contrat de distribution pourra prévoir une exclusivité d’enseigne qui, à la différence des exclusivités dites « d’activité » ou « de produits », permet de faire cohabiter, dans une même zone, des distributeurs indépendants exerçant leur activité sous des enseignes différentes (v. pour une application récente, CA Rouen, 24 oct. 2013, inédit, RG n° 12/04374) afin d’optimiser le maillage territorial des enseignes du groupe. 2°/ Le contrat de distribution pourra organiser le recours à une centrale d’achats ou de référencement qui, commune aux différentes enseignes du groupe, en mutualise les achats et permet d’atteindre un meilleur rapport qualité-prix. 3°/ Un contrat pourra préciser les conditions dans lesquelles le partenaire indépendant pourra ouvrir un ou plusieurs nouveau(x) point(s) de vente sous une (ou plusieurs autres) enseigne(s) du groupe ; le plus souvent, ce droit sera conféré sous la forme d’un « droit de priorité » attribué au distributeur sur un territoire déterminé au moyen, le cas échéant, d’une clause d’objectif et/ou d’un plan de développement.