La notion même de déséquilibre significatif s’inscrit dans deux types bien distincts de relations :
Contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs : En premier lieu, pour ce qui concerne la sphère des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, il convient de se référer à l’article L 132-1 du Code de la consommation – texte fondateur – aux termes duquel « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; dans cette perspective, l’article R 132-1 du Code de la consommation dresse aussitôt une liste de douze séries de clauses présumées « abusives », de manière irréfragable, donc sans qu’aucune preuve contraire ne puisse être apportée pour combattre cette présomption. Ces dispositions ne sont applicables qu’au bénéfice des consommateurs, dont la loi Hamon a donné la définition suivante : est considéré comme un consommateur au sens du Code de la Consommation « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
Contrats conclus entre professionnels : En second lieu, pour ce qui concerne la sphère des contrats conclus entre professionnels, un rappel historique s’impose tout d’abord afin de mettre les choses en perspective. On le sait, la loi de modernisation de l’économie (LME) a abrogé l’ancien article L. 442-6 I 2° b) du code de commerce qui sanctionnait alors l’abus de relation de dépendance et de puissance d’achat (ou de vente). Et la sanction attachée à cette pratique supposait de bien caractériser la position de puissance d’achat (ou de vente) de l’auteur de la pratique en cause. La LME a supprimé l’interdiction de discrimination abusive prévue à l’ancien article L. 442-6 I 1°, libéralisant ainsi les négociations entre fournisseurs et distributeurs, et en contrepartie de cette plus grande liberté laissée aux différents opérateurs concernés, la LME a alors instauré une nouvelle pratique commerciale restrictive de concurrence : le « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », introduite par le désormais bien connu article L.442-6, I, 2° du code de commerce. A la différence de ce qui vient d’être souligné en ce qui concerne le code de la consommation, le texte de l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce ne renvoie à aucune liste ; ce faisant, le Conseil Constitutionnel a néanmoins jugé que ces dispositions étaient conformes à la Constitution et au principe de légalité des délits et des peines (imposant de définir en termes suffisamment clairs et précis les pratiques sanctionnées) dans la mesure où, déjà visée par l’article L 132-1 du Code de la consommation, cette notion serait donc – selon le Conseil Constitutionnel – suffisamment claire. Ainsi, l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce énonce qu’il est interdit « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Cette disposition permet de sanctionner les clauses ou pratiques abusives imposées par tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers, quel que soit le secteur de l’économie dans lequel il intervient. En pratique, il faut dire que l’article L. 442-6 I 2° vise les hypothèses où un opérateur use de son pouvoir de négociation pour imposer à son partenaire des obligations à son seul bénéfice, le plus souvent selon des modalités exorbitantes. Le juge saisi en application des dispositions ci-dessus peut consulter la Commission d’examen des Pratiques Commerciales (CEPC), dont le rôle consiste notamment à se prononcer sur les pratiques pouvant entrer dans le champ d’application de ce texte. Ainsi, a-t-il été jugé que certaines clauses entre professionnels relève du déséquilibre significatif de l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce ; il en va ainsi notamment de certaines clauses de révision de prix (CA PARIS Pole 5 Ch. 4, 11 septembre 2013, Juris-Data n° 2013-019306), de certaines clauses de taux de service (CA PARIS Pole 5 Ch. 4, 11 septembre 2013, Juris-Data n° 2013-019306 ; CA PARIS Pole 5 Ch. 5, 4 juillet 2013, Juris-Data n° 2013-015022), de certaines clauses de retours d’invendus (CA PARIS Pole 5 Ch. 5, 4 juillet 2013, Juris-Data n° 2013-015022), de certaines clauses de déréférencement (TC Meaux, 6 déc. 2011, inédit), de certaines clauses de pénalités de retard de paiement (TC Lille, 6 janvier 2010, Dalloz 2010, p. 1000).
L’article L. 442-6 I 2° du code de commerce laisse aujourd’hui la place au nouvel article L. 442-1, I, 2° du même code, selon lequel : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services (…) de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Ce nouveau texte comporte essentiellement deux nouveautés. En effet, la première nouveauté concerne le « chapeau » commun à l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné, c’est-à-dire le premier alinéa du texte, selon lequel : « Engage la responsabilité de son auteur (…) ». En visant ainsi « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » alors que le texte ancien visait « tout producteur, commerçant, industriel », le champ d’application du texte est passablement élargi.
La deuxième nouveauté concerne la disparition de la notion de « partenaire commercial », qui se voit substituer celle d’« autre partie ». La jurisprudence avait défini le « partenaire commercial » comme le professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, supposant une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services, par opposition à la notion (plus large) d’agent économique ou (plus étroite) de cocontractant. La modification apportée (« autre partie ») est radicale ; il est difficile de faire plus large. Elle supprime de ce point de vue tout pouvoir au juge concernant le champ d’application du texte.
Pour un Panorama de jurisprudence sur les problématiques récentes liées au déséquilibre significatif :
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